Le chantier de l'A69 repart. Les partisans du PIB WASHING jubilent.
Vincent de Blois, le 8 juin 2025
Les "POUR" et les "CONTRE" le chantier de l'A69 se retrouvent de nouveau face à face, suite à la décision en appel du Tribunal Administratif de Toulouse.
- Les "POURs" prétendent volontiers que les "CONTRE" sont contre tout progrès, et pour un retour au mode de vie de l'homme des cavernes.
- Les "CONTREs" avancent que ce chantier n'a pas d'utilité réelle, et que ce n'est qu'un gaspillage d'argent public au détriment de la biodiversité
Les deux camps semblent aussi avoir une sociologie différente :
- Les "POURs" sont plutôt des notables, des élus, des chefs d'entreprise, des fonctionnaires, peu exposés à l'insécurité économique, bien intégrés dans la société, plutôt partisans du développement et de l'emploi, et non-abstentionnistes.
- Les "CONTREs" sont des fonctionnaires, des chercheurs, des oisifs, parfois des gens qui se sont volontairement mis en marge de l'économie pour défendre le climat et la biodviersité. Plutôt de gauche, écologistes militants ou anarchistes, donc partiellement abstentionnistes.
Signalons aussi les "INDIFERENTS : ce sont des gens qui estiment avoir "d'autres chats à fouetter", des précaires, des chômeurs, des travailleurs "au noir", des trafiquants, des escrocs, et presque toujours des abstentionnistes...
Ce chantier de l'A69, après celui de l'aéroport de Notre-Dame-des-Landes, dessine un nouveau partage des idées, en décalage avec le clivage droite / gauche :
- Les partisans de la croissance traversent les bords politiques. On les trouve plutôt à droite et au centre, mais aussi à gauche dans les vieux partis...qui sont aussi devenus des partis de vieux, depuis que les jeunes les pensent de moins en moins capables d'améliorer leur futur.
citons parmi les personnalités de ces partis E. Macron, F. Hollande, Bayrou, Attal, B. Retailleau, R. Glucksman(?), E. Philippe, JP Raffarin, N. Sarkozy, G. Darmanin, O. Faure, JL Mélenchon(?), M. Valls, C. Ridel, F. Ruffin(?), M. Tondelier(?) Y. Jadot(?), F. Roussel(?) Moscovicci...
- Les opposants à la croissance sont une force émergeante à gauche, que l'on voit depuis quelques années surgir dans des manifestations de terrain : A69, bassines, Aéroport Notre Dame des Landes. C'est la gauche "jeune", tendance Greta Thunberg, prête à renverser la table de nos standards économiques, malgré les risques que cela comporte. Aucun homme ou femme politique de premier rang n'a eu, jusqu'à présent en France, le courage de rejoindre cette tendance. Il faut dire que se déclarer "anti-croissant" dans un vieux parti, c'est assurément se priver du soutien financier et médiatique des GE (Grandes Entreprises) et ETI (Entreprises de Taille Intermédiaires). Quand on parle de croissance, c'est de celle du PIB dont on parle, et les GE et ETI qui détiennent les grand médias y contribuent à hauteur de 57% ! (en fait beaucoup plus, si on soustrait du PIB la part attribuée aux services publics).
- Il y a enfin des gens en colère qui ne cherchent plus les causes économiques de la dégradation sociale, des meurtres de plus en plus nombreux, des enclaves d'économies parallèles que sont devenus certains quartiers. L'économie n'est plus leur principale préocupation, il faut donc les ranger parmi les partisans de l'immobilisme économique, ou plutôt de la croissance par d'autres moyens : fermeture des frontières, protectionnisme en haussant les droits de douane (façon Trump), cessation des échanges sur des critères de religion ou de race, allant de pair avec la persécution des étrangers.
Ici à Blois, une contruction est sur le point de soulever la même polémique de croissance ou d'anti-croissance que l'A69 : il y a ce projet de passerelle s'appuyant sur les piles de l'ancien barrage mobile. Le financement de 17 ou 18 millions est pris en charge par l'Etat(27%), la région(28%), par le département(31%), et par Agglopolys(14%), avec 2 millions de subventions obtenues de l'Union Européenne.
Le Département affirme ceci (source) : "La construction de cet aménagement structurant pour le territoire générera des retombées économiques significatives pour le secteur du BTP local et renforcera durablement l'attractivité touristique du Loir-et-Cher. Son coût, d'un montant total de 17,48 millions d'euros, sera financé par l'Etat, le Département , la Région Centre-Val de Loire et Agglopolys ".
Or cette attractivité touristique est-elle souhaitable ? Ce soutien économique au BTP (= croissance du PIB régional) est-il durable ? Quelle est l'utilité de cette passerelle pour les habitants du Loir et Cher ? En quoi cet équipement est-il "structurant" pour le territoire ? En quoi renforce-t-il durablement son attractivité ?
Si on a bien du mal à répondre à ces questions, c'est parce que ce qui motive cette construction n'est pas l'utilité publique(1), mais la croissance du PIB. L'objectif principal est de faire venir des touristes, d'insérer par exemple sur les prospectus de "La Loire à Vélo" (2) des photos de cyclistes traversant la passerelle et admirant la Loire au passage, montrant ainsi que tout est fait pour accueillir les cyclistes. Cette passerelle n'est pour autant pas utile : on peut traverser la Loire quelques centaines de mètres plus loin en empruntant les pistes cyclables toutes neuves du pont Charles de Gaulle !
C'est donc la CROISSANCE (ici du tourisme), à l'échelon local comme à l'échelon national, qui est devenue la pierre angulaire de cette passerelle sur la Loire, tout comme l'A69.
Et si la croissance du PIB est devenu une question aussi centrale, alors pour retrouver une réflexion politique de qualité en France, il faudrait que le débat politique décortique ce sujet au lieu d'enchaîner les diversions :
- Est-il possible de rechercher à la fois la croissance, et la protection du climat et de la biodiversité ?
- La recherche de la croissance n'échoue-t-elle pas à enrayer la disparition du travail humain ?
- Sans rechercher la croissance, pourrions nous conserver la sécurité sociale ?
- Renoncer à la croissance, est-ce nécessairement renoncer à la concurrence ?
- A qui bénéficie la croissance ? revenus, emplois créés, en quelle proportion ?
- Quel pourcentage du PIB participe à subventionner la croissance ? (environ 38% du PIB de 1973)
- Subventionner chaque année la croissance est-il efficace ? pour l'emploi ? pour la paix sociale ?
- Sans croissance, pouvons nous espérer résorber la dette publique, la dette privée ?
- Cesser de subventionner la croissance nous exposerait-il à une crise financière ?
- La publicité est-elle indispensable à la croissance ? Pourrait-on envisager de s'en passer ?
- Pourquoi la croissance subventionnée et la dette nous expose-t-ils à des périls politiques ? (voir extrême droite aux USA et partout ailleurs)
- Le maintien du PIB est-il la condition "sine qua non" du financement des services publics et de l'armée ?
- La croissance du PIB est-elle compatible avec l'hyper concurrence ? (profits dans le textile en baisse => PIB textile en baisse)
- ...
Ne pas débattre de toutes ces questions, c'est s'exposer à des soulèvements de plus en plus nombreux. Soulèvement des jeunes, et des travailleurs précaires (gilets jaunes) qui ne supportent plus l'impuissance politique, convaincus qu'ils n'ont plus rien à attendre de la recherche de la croissance, qu'ils désignent sous le nom de "système". Il est évident que cette tendance ne va pas s'inverser. Il y a donc urgence à discuter de toutes ces questions.
Malheureusement, les vieux partis dits "de gouvernement", qu'ils soient de gauche ou de droite, en semblent incapables ou n'en ont pas envie. Ils se cramponnent au "système" croissant, et semblent se moquer des accusations portées à leur encontre, de ne véhiculer qu'une "pensée unique".
Ce "système" politique restera schlérosé, tant que l'influence des grands médias de masse restera financé par ces 6000 GE et ETI, empêchant les arguments des anti-croissants de parvenir à l'oreille des citoyens. Pour y voir plus clair, les français devraient vite travailler à l'émergence de deux nouveaux partis - l'un pro et l'autre anti croissance - s'ils veulent éviter que ce vide politique et médiatique ne précicite l'arrivée au pouvoir des démaguogues. Il est peut-être déjà trop tard.
(1) Faut-il croire que l'utilité publique découle nécessairement de la croissance sous forme de richesses et d'emploi ?
(2) le programme d'Etat de promotion internationale "La Loire à vélo" coûte déjà quelques centaines de millions (350 si ma mémoire est bonne) au contribuable. Son but : faire de la Loire un produit touristique, accroître le PIB du tourisme.